La reine des neiges
Harfang des neiges - Bubo scandiacus ♀
Bonjour, voici quelques photos prises mercredi dernier sur l'île de Ré. C'est la première fois que cette espèce est observée en Poitou-Charente, il était déjà arrivé qu'elle arrive en France, mais autant au sud, c'est incroyable.
C'est que cette espèce ne se reproduit pas chez nous, elle vit beaucoup plus au nord, dans la toundra arctique, au delà du cercle polaire. Elle appartient au même genre que le Grand-duc d'Europe et fait à peu près sa taille. Vous en avez tous certainement vu une fois à la télé, c'est Edwige, la "chouette" de Harry Potter.
C'est extraordinaire que cette espèce se retrouve si loin de son aire de répartition, mais pour un oiseau après tout, c'est tout à fait faisable. Chaque année on retrouve partout en France des grives qui viennent de Sibérie, des plongeons arctiques ou d'autres grands voyageurs. Après tout, la sterne arctique voyage chaque année d'un pôle à l'autre.
Chez le harfang des neiges, il arrive que des individus se déplacent légèrement vers le sud, mais ça reste rare. Généralement, ce sont les jeunes dans leur première année, pas encore assez bons chasseurs pour passer une nuit polaire qui dure 6 mois, qui vont partir vers le sud. Il arrive que quelques adultes descendent aussi les mauvaises années, pour trouver de la nourriture quand ils ont peu de lemmings à manger.
Il semblerait qu'il y ait un facteur humain à rajouter à tout ça, puisque pendant leur migration, certains harfangs se posent sur des porte-conteneurs. Ces gros bateaux peuvent alors faire d'importantes distances avant que ces hiboux ne les quittent. Certains harfangs canadiens peuvent alors se retrouver en France. Pour celui-ci, c'est possible, mais impossible de savoir réellement s'il est arrivé par ses propres moyens ou non.
Impossible donc de savoir si on doit le considérer comme introduit, ou comme naturel (je dois toujours faire un article là dessus). On aurait parlé d'un rat, d'un frelon asiatique ou d'une écrevisse de Louisiane, aucun doute qu'il se serait déjà fait tuer, mais là c'est un oiseau mythique, alors les gens viennent de partout pour aller le voir...
Il a été découvert début janvier et depuis, des dizaines d'ornithologues sont passés le voir. Certains simplement pour dire de l'avoir vu, faire une petite croix à la fin d'un livre qui compte +1 dans une liste où on donne la même importance à chaque espèce, d'autres pour faire LA photo, prenant le risque de le déranger alors que le voyage l'a déjà bien épuisé...
J'ai longtemps hésité à y aller, mais à force de voir des photos j'ai fini par craquer^^. Pour un passionné de rapaces nocturnes comme moi, c'est un rêve inaccessible. Même en allant dans son aire de répartition naturelle, il y a très peu de chances de l'observer. J'ai donc attendu qu'il y ait moins de monde autour de lui (jusqu'à 85 personnes en même temps paraît-il) et puis sur un coup de tête, en pleine nuit, je suis parti le voir. Je n'aurais jamais pensé faire de la route pour des oiseaux, mais bon, cette fois-ci je l'ai fait.
J'avais peur de me retrouver au milieu de 50 personnes bruyantes et qu'on me dise en arrivant "c'est là", comme si c'était un zoo, on arrive, on consomme et on repart, sans émotion.
Heureusement quand je suis arrivé, personne ne savait où il était. Il a été vu par là hier, c'est tout ce qu'on sait. Jumelles fixées aux yeux et appareil photo au cou, je commence à chercher. Je croise parfois des ornithologues venus voir la même espèce, personne ne l'a vu, on s'échange nos numéros au cas où.
Après plusieurs heures de recherche, un ami m'appelle... "on est devant". Le fait de l'avoir cherché, d'avoir cru ne pas le trouver... a gardé l'émotion intacte. Je reprends la voiture et vais les rejoindre. Le harfang est bien là, à 100 à 150 mètres de nous. Nous restons sur la route, personne ne s'avance. Quelques photos et des longues vues pour observer dans de meilleures conditions. Rapidement nous sommes une quinzaine au bord de la route, mais assez loin pour ne pas déranger. Quelle émotion ! un rêve qui se réalise même si ce n'est pas dans son milieu, les larmes aux yeux évidemment. Nous passerons plus de deux heures à l'observer ainsi, au début il ne fait que dormir, puis se réveille, se lisse les plumes, s'étire, puis s'envole, attrape une proie, la mange et s'envole à nouveau. Il execute de petits vols et se repose par terre, sur un piquet ou sur le toit d'un bâtiment.
Le soir tombe, la qualité des photos est mauvaise, mais ça garde la trace d'un souvenir incroyable.
Une fois la nuit tombée, nous le perdons de vue. Je quitte l'île de Ré pour aller de l'autre côté, en baie de l'Aiguillon, où j'allais observer les hiboux des marais il y a déjà 2 ans. Au petit matin 3 individus viendront se coucher au dortoir, mais je n'ai pas fait de photos. Puis visite des amis et de la famille avant de rentrer la tête pleine d'images.
Ce week-end, festival des Hivernales à Puydarrieux (65), si vous voulez y aller il y a toujours une bonne ambiance et des petites conférences.
à bientôt !